44 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE

Mayence, de Judas Machàbée, en quatre pièces; enfin l'Apocalypse, la Vie de saint Antoine et VHistoire de Charlemagne furent séparées en deux morceaux. L'opération rie consistait pas seulement à couper ces tentures trop vastes; il y avait des raccords à faire, des bordures latérales à ajouter. C'est à ce genre de besogne que Nicolas d'Inchy est spécialement occupé.

N'eùt-il exécuté pour le duc de Bourgogne que la tapisserie de la Bataille de Roosebecke, Michel Bernard mériterait, par cela seul, d'être mis au rang des plus habiles artisans d'Arras. On a déjà pu remarquer que les scènes contemporaines étaient très rarement représentées sur les tentures du xiv^c siècle. De pareils sujets, en effet, offraient des difficultés d'une nature particulière. L'artiste était bien obligé de suivre la nature pas à pas quand il s'agissait d'un personnage encore vivant ou récemment décédé, comme du Guesclin et les seigneurs qui avaient pris part aux fameuses joutes de Saint-Denis. Il ne lui était plus permis de s'abandonner aux caprices de son imagination; il fallait que les spectateurs reconnussent le portrait des différents acteurs de la scène. Aussi demandait-on les patrons aux peintres les plus habiles, et confiait-on le travail du tissage aux artisans les plus renommés.

Si on ignore l'auteur des dessins de la Bataille de Roosebecke, les comptes nous apprennent que ce modèle ne coûta pas moins de 200 francs d'or. Ce fut donc un grand honneur pour Michel Bernard d'être choisi pour le traduire en haute lice. La bataille avait été livrée en novembre 1382. En 1387, la tapisserie était achevée. Le duc n'avait pas perdu de temps pour la commander, ni le tapissier pour la mettre sur le métier, surtout si on songe qu'elle mesurait cinquante-six aunes de longueur et sept aunes un quart de hauteur, soit environ deux cent quatre-vingt-cinq mètres carrés. Enrichie d'or et d'argent, à fond de verdure, elle avait été payée à Michel Bernard 2,600 francs d'or. On conçoit quel poids devait peser cette énorme pièce, deux fois plus longue que les frises de VApocahjpse d'Angers. Et quelles difficultés pour la transporter, la soulever, la tendre! N'est-il pas singulier que, dès les débuts de • notre industrie, les artisans soient arrivés à exécuter des tentures beaucoup plus étendues que tout ce qu'on a fait depuis. Comme on l'a fait remarquer, cette exagération était grosse d'inconvénients. Le poids mème devenait une cause de rapide destruction. Aussi, quinze ans après son exécution, eri 1402, le duc Philippe prit-



	44 HISTOIRE DE LA TAPISSERIE Mayence, de Judas Machàbée, en quatre pièces; enfin l'Apocalypse, la Vie de saint Antoine et VHistoire de Charlemagne furent séparées en deux morceaux. L'opération rie consistait pas seulement à couper ces tentures trop vastes; il y avait des raccords à faire, des bordures latérales à ajouter. C'est à ce genre de besogne que Nicolas d'Inchy est spécialement occupé. N'eùt-il exécuté pour le duc de Bourgogne que la tapisserie de la Bataille de Roosebecke, Michel Bernard mériterait, par cela seul, d'être mis au rang des plus habiles artisans d'Arras. On a déjà pu remarquer que les scènes contemporaines étaient très rarement représentées sur les tentures du xiv^c siècle. De pareils sujets, en effet, offraient des difficultés d'une nature particulière. L'artiste était bien obligé de suivre la nature pas à pas quand il s'agissait d'un personnage encore vivant ou récemment décédé, comme du Guesclin et les seigneurs qui avaient pris part aux fameuses joutes de Saint-Denis. Il ne lui était plus permis de s'abandonner aux caprices de son imagination; il fallait que les spectateurs reconnussent le portrait des différents acteurs de la scène. Aussi demandait-on les patrons aux peintres les plus habiles, et confiait-on le travail du tissage aux artisans les plus renommés. Si on ignore l'auteur des dessins de la Bataille de Roosebecke, les comptes nous apprennent que ce modèle ne coûta pas moins de 200 francs d'or. Ce fut donc un grand honneur pour Michel Bernard d'être choisi pour le traduire en haute lice. La bataille avait été livrée en novembre 1382. En 1387, la tapisserie était achevée. Le duc n'avait pas perdu de temps pour la commander, ni le tapissier pour la mettre sur le métier, surtout si on songe qu'elle mesurait cinquante-six aunes de longueur et sept aunes un quart de hauteur, soit environ deux cent quatre-vingt-cinq mètres carrés. Enrichie d'or et d'argent, à fond de verdure, elle avait été payée à Michel Bernard 2,600 francs d'or. On conçoit quel poids devait peser cette énorme pièce, deux fois plus longue que les frises de VApocahjpse d'Angers. Et quelles difficultés pour la transporter, la soulever, la tendre! N'est-il pas singulier que, dès les débuts de • notre industrie, les artisans soient arrivés à exécuter des tentures beaucoup plus étendues que tout ce qu'on a fait depuis. Comme on l'a fait remarquer, cette exagération était grosse d'inconvénients. Le poids mème devenait une cause de rapide destruction. Aussi, quinze ans après son exécution, eri 1402, le duc Philippe prit-